Julie Debove, fondatrice de Napperon

lingerie upcyclée
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Master en communication, alternance chez une grande marque de sport et embauche en CDI, Julie a un parcours classique. Pourtant, sa conscience écologique grandissante la pousse à se réinventer. Chose faite puisqu’aujourd’hui elle s’apprête à lancer Napperon, une marque de lingerie upcyclée à partir de napperons.

Quel a été ton point de départ ? Ton déclic ?

Je dis toujours que le confinement a été le point de départ mais finalement ma réflexion a commencé un peu avant. Déjà à l’époque, je cherchais plus de sens dans mon travail et mon quotidien. En fait, j’avais besoin de me sentir alignée avec mes valeurs personnelles, notamment en termes d’écologie. J’avais pris conscience de l’impact de nos modes de production et de consommation sur la planète, du réchauffement climatique et des catastrophes naturelles qui nous guettent. J’ai énormément appris pendant mes quatre années dans la marque de sport pour laquelle je travaillais, autant humainement que professionnellement. Tout ça m’a amenée là où j’en suis aujourd’hui, j’en suis reconnaissante. Mais j’ai beau adorer le sport, l’environnement a pris le dessus dans mes valeurs

Je me suis mise alors à réfléchir à ce que j’avais envie de faire. Reprendre la danse, me lancer dans le milieu artistique, travailler en start-up… Tout était assez vague. Contrairement à d’autres, je n’avais pas ce désir d’entreprendre. D’ailleurs pendant mes études, je ne prêtais pas spécialement attention aux cours sur l’entrepreneuriat. Finalement, du jour au lendemain, j’ai eu envie d’apprendre à coudre et de créer ma propre lingerie. Je voulais quelque chose qui me convienne avec un côté éco-responsable. En y réfléchissant, j’ai repensé aux belles pièces anciennes que toutes les familles ont dans leurs placards : les napperons. J’imaginais parfaitement ce linge décoratif avec ses fleurs et sa dentelle transformé en lingerie.

L’idée première était de coudre uniquement par plaisir et pour mon usage personnel. Mais très vite, je me suis dit qu’il y avait un projet à monter autour de cette illumination. En une après-midi, j’ai décidé de créer une marque de lingerie upcyclée à partir de napperons.

Pourquoi de la lingerie ? Pourquoi Napperon ?

Parce que cela me plaît et m’inspire énormément sans que je puisse réellement en profiter. La plupart des belles marques de lingerie proposent des modèles soit trop coûteux, soit inadaptés ou les deux à la fois. Quand j’allais en magasin, je n’achetais jamais car je ne trouvais pas ce qu’il me fallait et/ou je n’avais pas les moyens. C’est pour cette raison que je voulais fabriquer moi-même ma lingerie. De cette façon, j’apprenais à créer quelque chose de mes mains et je pouvais porter ce qui me convenait.

Puis quand j’ai commencé à imaginer un vrai projet autour de cette idée, je me suis rendue compte qu’il existait très peu de marques de sous-vêtements éco-responsables. Que la seconde main pouvait difficilement convenir à ce type de produits et que les modèles de lingerie upcyclée se ressemblaient tous. J’ai donc eu envie d’apporter une touche décalée à cet univers.

Pour le nom, c’était une évidence. Je trouve le mot napperon hyper mignon et j’aimais bien l’idée de parler de la matière première directement. Après tout, c’est elle qui fait la différence.

Comment se passe le processus de création ?

Il faut savoir que j’ai beaucoup de volonté mais absolument aucune formation en couture. D’ailleurs les personnes avec qui je discutais du projet m’ont tout de suite dit que cela serait compliqué de tout réaliser moi-même. Non seulement, je les ai écoutés mais je m’en suis aussi vite rendue compte avec mes premiers prototypes. Quand j’ai fini de coudre ma première culotte à partir d’un rideau, j’étais très contente. Sauf que les coutures n’étaient pas droites, que la partie du dessous était horriblement faite et qu’elle était trop petite pour être enfilée ! Clairement, il fallait que je trouve une couturière pour m’aider dans mon projet.

Comme j’avais envie de travailler en circuit très court, je me suis naturellement tournée vers une personne compétente habitant à Calais et qui travaillait avant dans une usine de confection de lingerie. L’idée, à cette étape du projet, était de concevoir les premiers prototypes pour se projeter visuellement et se poser les bonnes questions.

Puis, en prévision de mon déménagement sur la côte basque en juin, j’ai commencé à chercher une personne capable de faire de la couture et du modélisme. Parce que si les premiers prototypes étaient très jolis, niveau taille cela n’était pas encore ça. Or en lingerie, les taillants sont très importants. Heureusement, alignement des planètes, j’ai trouvé la personne parfaite à Urcuit, un village à trente minutes de chez moi.

En parallèle, j’ai créé un groupe Facebook avec une quarantaine de femmes pour bien comprendre les besoins et les attentes de chacune. De fil en aiguille, j’orientais la couturière pour concevoir les prototypes puis je les faisais essayer au groupe et ainsi de suite. Résultat : fin juin les modèles étaient prêts pour le shooting photo.

Sinon pour la matière première, j’ai commencé à me faire un premier stock en allant chez Emmaüs. Ensuite, j’ai reçu quelques dons de napperons de la part de ma famille et de mes amis. Et pour que cela soit viable sur le long terme, j’ai trouvé un partenariat avec KFB, une ressourcerie dans le Pas-de-Calais. Pour l’anecdote, après ma première visite, je suis repartie avec quatre-vingt kilos de napperons !

Pour toi c’est quoi une lingerie parfaite ?

Avant tout une lingerie adaptée à toutes les tailles des femmes. Personnellement, j’ai une petite poitrine mais un dos large et je peux vous dire que trouver un 95A en magasin relève bien souvent du miracle. Soit j’étais trop serrée au niveau du tour de taille, soit le bonnet était trop grand. Je suis persuadée que les fortes poitrines rencontrent les mêmes difficultés. Aujourd’hui, le problème principal de la lingerie réside dans le fait que les tailles sont différentes d’un magasin à l’autre et qu’en plus, la plupart des femmes ne connaissent pas leur vraie taille de soutien-gorge. Et puis le S, M et L c’est bien joli mais c’est surtout très vague et limitant. Selon moi, une lingerie parfaite devrait répondre aux besoins de chacune.

Quelles valeurs as-tu envie de transmettre à travers ta marque ?

J’ai plutôt envie de mettre l’accent sur la transformation du napperon en lingerie confortable et adaptée à toutes les morphologies. Sur le sens, l’histoire et l’avant/après de l’upcycling. L’idée aussi est de pouvoir se sentir bien et belle en lingerie upcyclée tout en faisant un geste pour la planète.

Je ne souhaite pas parler de body positivisme. Non pas que ça ne m’intéresse pas mais parce que ça ne devrait pas être un outil de marketing. À mon sens cela devrait être normal de montrer tout type de corps.

Comment tu te sens aujourd’hui ?

Je crois en ce projet à 300% ! Je suis persuadée que cela va fonctionner et les gens autour de moi y croient aussi. Après, en ce moment je travaille plutôt sur le côté dark de l’entrepreneuriat, les chiffres, et j’avoue que cela me fait un peu peur. Mais en même temps, j’y vais step by step. Jusqu’à présent, je n’ai rencontré aucun obstacle de taille. Je me suis bien entourée et je n’ai pas hésité à demander de l’aide. Donc, j’attends de passer cet étape de stagnation pour entamer la phase concrète du projet : le crowdfunding en septembre !

Quel était le regard des autres par rapport à ton projet ?

Au début, il y avait deux types de réaction. Soit les personnes se sont projetées immédiatement et ont trouvé l’idée géniale. Soit les gens ne voyaient pas où je voulais en venir. Notamment parce que c’est difficile de visualiser de la lingerie upcyclée à partir de napperons sans prototypes. Mes parents ont également eu peur de me voir quitter un cdi pour quelque chose que je ne savais pas faire. Puis au fur et à mesure, ils ont vu ma détermination, les premiers prototypes et ils sont devenus fiers et enthousiastes. Au quotidien, je reçois beaucoup d’amour et d’encouragements.

Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ? 

Alors je ne suis pas très douée pour ce genre de questions. Je n’ai pas de modèles qui me viennent en tête. Après si, certaines marques peuvent m’inspirer telles qu’Hopaal, une marque de vêtements recyclés ou encore Maison Cléo, qui confectionne des pièces à partir de chutes de tissus.

Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pro ? Des projets persos ?

Justement je sors d’une grosse période de changement. Fin juin, j’ai vraiment quitté mon travail et j’ai déménagé sur la côte basque. Donc en ce moment, non seulement je bosse à plein temps sur mon projet mais je découvre une nouvelle région aussi. Et puis je pense que les choses vont s’accélérer par la suite entre la campagne de crowdfunding, le lancement du site et qui sait, les premières commandes.

Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?

Si quelqu’un trouve la bouteille, bonne nouvelle, il y a encore de la vie sur Terre. Plus sérieusement, je dirais de faire ” attention à soi et à la planète “. La base du projet et de la lingerie upcyclée, c’est de proposer des produits chouettes qui respectent l’environnement.

Photo ©Laurie Basset

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