Juliette Delcourt, co-fondatrice de Sister Feel

juliette co-fondatrice de Sister Feel
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Après quelques années en tant que chef de produit dans le prêt-à-porter, Juliette Delcourt met un pied dans le monde de l’entrepreneuriat. Passionnée, elle a envie d’aider les jeunes entreprises à se lancer. Jusqu’au jour où elle découvre la pratique du bain dérivatif. C’est une révélation. Avec sa sœur, elle décide alors de démocratiser cette technique de soin à travers leur propre entreprise, Sister Feel.

Quel a été ton point de départ ? Ton déclic ?

Plus jeune j’étais passionnée par le commerce équitable, le développement durable. Néanmoins après mes études de commerce, je décide de commencer par une voie plus traditionnelle et je deviens acheteuse puis chef de produit chez Promod. Quelques années plus tard, je quitte Lille pour Paris et je travaille dans un atelier de confection de robes de mariées en tant que responsable des opérations. Et j’adore ! Notamment ce côté entreprenariat, entreprise en pleine croissance.

Vient le moment de retourner à Lille et je suis déçue de quitter cet univers particulier. C’est pourquoi je commence à travailler avec des jeunes marques créatives pour les aider à se lancer et à se développer. Je les aide notamment à transposer leur ADN, leur singularité dans leur entreprise. Afin de les accompagner au mieux, je fais une formation de coaching qui me permet par la suite de mener des ateliers de développement personnel avec des étudiant.e.s ou des personnes en bilans de compétences.

En parallèle, je découvre la pratique du bain dérivatif (que l’on appelle cryothérapie périnéale chez Sister Feel) et c’est une révélation. Selon moi, elle est plus qu’un soin puisqu’elle participe à la découverte du fonctionnement du corps. Au même moment Sophie, ma sœur, est enceinte et souffre de varices vulvaires. Je lui parle alors de cette méthode naturelle qui au début la rebute un peu. Jusqu’à ce que sa sage-femme lui en parle également ! Elle essaye et cela la soulage énormément. D’ailleurs elle trouve ça fou que le bain dérivatif soit si peu connu…

On décide alors de démocratiser et de détabouiser cette zone intime qu’est le périnée. Un peu comme pour les culottes menstruelles. C’est comme ça que l’aventure Sister Feel a commencé.

En quoi consiste la cryothérapie périnéale ?  

Historiquement, c’est un naturopathe allemand qui a proposé la méthode des « bains de siège » il y a 150 ans, inspirée de pratiques ancestrales et de ses recherches. Et plus récemment, c’est France Guillain qui a actualisé la méthode qu’elle a nommé « bains dérivatifs » pour une utilisation plus adaptée à nos modes de vie moderne. 

La méthode consiste à appliquer du froid au niveau de la vulve et du périnée pendant deux ou trois heures, idéalement par jour. Cette zone étant très vascularisée, le froid va rentrer en profondeur de manière sous-cutanée et il va interagir avec le système circulatoire. Une réaction mécanique se met alors en place : le corps reçoit un message de danger afin de maintenir la température corporelle à 37°. Pour réchauffer ce dernier, le sang circule en priorité vers les organes vitaux c’est-à-dire le cœur, le foie, le pancréas, les reins, les poumons et le cerveau. Résultat, ils vont travailler mieux et plus vite. Par exemple, le foie va éliminer plus vite les toxines, le cœur va accélérer la circulation sanguine. De plus, sous l’effet du froid, les intestins se contractent et éliminent les selles plus facilement. 

Autre réaction mécanique : pour lutter contre le froid, le corps va sécréter des endorphines et de la sérotonine. Deux hormones qui favorisent le bien-être. 

Qui peut utiliser cette méthode ?

Tout le monde ! Toutes les femmes ! Et pas seulement la femme enceinte. Par exemple, lorsque nous avons commencé à développer Sister Feel, beaucoup de personnes atteintes d’endométriose sont venues nous contacter. En fait, ces dernières utilisent le bain dérivatif depuis plusieurs années pour calmer leurs douleurs. Même chose pour les femmes ménopausées qui souffrent beaucoup des dérèglements hormonaux…

Après à chaque femme d’utiliser la cryothérapie périnéale comme elle l’entend et de trouver le rituel qui lui convient. Il est tout à fait possible de la pratiquer quotidiennement pendant deux mois pour soigner des troubles puis d’arrêter. Ou de faire des pauses pendant les règles ou tout simplement pendant les vacances. Mais pour des effets maximisés sur le long terme, comme souvent c’est la régularité et l’assiduité qui comptent.

Pourquoi Sister Feel ?

Il y a un an, quand avec Sophie on commençait à discuter du projet, notre frère nous a proposé le nom “Sister Freeze” en référence aux glaces “Mr Freeze“. On a bien rigolé mais la sonorité de freeze ne nous plaisait pas. Et à force de la répéter, on est parties sur le “Feel” qui faisait écho au ressenti. Pas seulement à la sensation de froid mais aussi à cette idée qu’il faut être à l’écoute de ses sensations et de son corps. Celui-ci nous envoie plein de signaux au quotidien pour qu’on l’aide à maintenir l’équilibre. Sauf que si on n’y prête pas attention, il va se mettre à hurler et l’on va ressentir des douleurs.

Comment s’est passé le processus de création ?

À titre personnel, je n’ai jamais pratiqué le bain dérivatif avec le bidet. Je me suis tout de suite tournée vers les poches de froid. Ce que France Guillain préconise car cette technique convient plus à notre mode de vie actuel que le bain de siège. Cependant les poches que l’on trouve sur le marché aujourd’hui ressemblent davantage à des pains de glaces qu’à autre chose. 

C’est pourquoi, avec Sophie, on a eu envie de créer le produit le plus confortable possible. Pratique aussi car ce qui existe pour l’instant reste froid trente à quarante minutes, donc si tu veux le faire trois heures, tu dois changer la poche régulièrement. Sans oublier que le pain de glace est tout sauf glamour. Alors qu’on voulait que les femmes aient envie d’essayer. 

Pour développer notre produit, nous avons travaillé avec un laboratoire spécialisé dans les soins par le froid. Dès le début, notre esprit créatif s’est confronté aux contraintes techniques. Par exemple, nous avions envie de faire un jolie compresse en forme de serviette hygiénique sauf que ce n’était pas possible. Finalement nous sommes parties sur un étui et une pochette pour conserver ses poches de froid au congélateur.   

Nous sommes très contentes du résultat. Surtout que grâce au laboratoire, notre produit a passé toutes les normes ISO pour les dispositifs médicaux.

Vous êtes un duo (et des sœurs), comment se passe la gestion de l’entreprise ?

Même si nous travaillons à distance l’une de l’autre, cela se passe très bien. Pour l’instant nous n’avons pas de rôle défini. Il n’y a pas la comptable et la marketeuse par exemple. Je suis plutôt dans le défrichage alors que Sophie est plutôt dans le peaufinage. Tous les sujets nous plaisent donc on ne se pose pas encore la question de qui fait quoi. Mais je pense que cela finira par arriver lorsque l’entreprise sera vraiment lancée.  

Quelles valeurs as-tu envie de transmettre à travers Sister Feel ?

Le retour au naturel, les recettes de grand-mère, le bon sens. Bien sûr, être à l’écoute de soi pour être mieux avec les autres. Oser s’affirmer. Avant, jamais je n’aurais parlé de périnée avec des connaissances ou même des ami.e.s. Alors que maintenant je suis très à l’aise avec le sujet et je trouve que c’est important d’ouvrir la parole. De détabouiser tout ce qui gravite autour de la féminité. 

Je dirais aussi générosité et sororité. Avec Sophie, on a envie que Sister Feel donne l’occasion aux femmes de partager leur histoire et expérience.      


D’ailleurs, vous êtes engagées avec l’association contre l’endométriose Femme Endo & Co ?

J’ai la chance, et Sophie aussi, d’être épargnée par l’endométriose. Donc j’avais très peu de connaissances sur le sujet. Mais lorsque nous avons lancé le compte Instagram de Sister Feel, on a reçu plein de messages privés de femmes atteintes d’endométriose qui utilisent le froid pour soulager leurs symptômes.

Très vite, nous avons eu envie de faire plus que de leur vendre des coffrets de cryothérapie périnéale. De fil en aiguille nous nous sommes liées avec l’association Femme Endo & Co. Résultat, les personnes qui participent à la campagne Ulule sans avoir besoin du produit pourront choisir d’en faire don. À la fin, Chloé la fondatrice va redistribuer les coffrets aux femmes qui en ont le plus besoin. 

Maintenant que le projet est lancé sur Ulule, comment te sens-tu aujourd’hui ?

Ces dernières semaines ont été de vraies montagnes russes. C’était particulièrement excitant parce qu’on ne savait pas du tout combien de coffrets allaient être vendus. Et aujourd’hui on se rend compte que la campagne fonctionne très bien et qu’en septembre le projet va bien démarrer. Je suis super heureuse de savoir que plein de femmes vont pouvoir essayer le produit, se sentir mieux. C’est aussi encourageant d’entendre les bons échos des médecins, sages-femmes, naturopathes…

Sinon j’essaye de garder mon insouciance malgré la peur des autres vis-à-vis de la protection du produit, de la marque. C’est vrai que je ne vois pas le côté “requin” de l’entrepreneuriat car je ne partage pas cette vision. Néanmoins, il faut garder les pieds sur terre. Donc mon challenge en ce moment c’est rester zen tout en veillant à protéger juridiquement Sister Feel. 

Et bien sûr, je commence à réfléchir à comment gérer le projet tout en gardant mon activité de coaching, une vie sociale et familiale à côté. Notamment parce que faire pas mal de choses différentes me nourrit au quotidien.

Quel était le regard des autres par rapport à ton projet ?


Au début, mon mari était assez dubitatif. Mais à force de voir la réaction des femmes à qui j’en parlais, il s’est rendu compte qu’il y avait un réel intérêt. Pour moi c’était un bon challenge de pitcher le projet aux oncles, tantes et amis. Avec des gens avec qui je n’avais pas l’habitude de parler de culottes ou de périnée. Et finalement, j’ai toujours eu un bon accueil, soit par rapport au produit, soit vis-à-vis de l’idée business. Je pense aussi qu’en étant convaincue du projet Sister Feel, je suis capable de convaincre les autres. 

Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ?

J’ai beaucoup travaillé avec des personnes au profil « artistique » et ce qui m’inspire chez elles c’est leur côté intuitif. Elles écoutent leurs ressentis pour prendre des décisions. J’aime cette idée de trouver des solutions pour répondre à des inquiétudes sans pour autant dénaturer son projet ou sa personnalité.

Sinon les bruits de la nature. Quand j’ai besoin d’une pause, que ce soit l’hiver ou l’été, je sors et j’écoute les bruits. L’ouïe est mon sens le plus développé et je suis très sensible aux sons. Cela m’aide à lâcher-prise.

Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pro ? Des projets persos ?

Développer Sister Feel directement avec les professionnel.le.s de santé. Participer à des congrès de sages-femmes ou de naturopathes pour continuer à tisser des liens avec le monde médical.

Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?

Suivez vos rêves, ils connaissent le chemin. 

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