Louise Religieux, engagée pour une mode upcyclée

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Une mère couturière qui lui transmet beaucoup et une attirance pour le vêtement, Louise ne se voit pas tout de suite dans la mode. Une année de fac chaotique, des idées plein la tête et le besoin de s’exprimer, elle décide de tenter. Cursus de styliste-modéliste à Studio Berçot, elle trouve sa voie à travers une mode upcyclée.

Quel a été ton point de départ ? Ton déclic ? 

En dernière année d’école de mode, je réalise un stage chez Sakina M’Sa, véritable papesse de l’upcycling. Elle récupérait des fins de stock pour recréer des collections. Engagée sur le plan social également, elle animait des ateliers dans le milieu carcéral et y organisait des défilés. Un petit bout de femme très inspirante ! C’est à ce moment-là que je me suis rendue compte qu’il y avait différentes modes possibles. La Haute-Couture est une direction et même si à l’école, on te pousse à t’exprimer et à chercher ta voie, à vingt ans, c’est toujours difficile de trouver sa place. Grâce à ce stage, j’ai découvert la mienne ainsi que ma vision de la mode. Et puis, voir que c’était possible. 

Et comme tous les étudiants, il faut par la suite trouver un emploi. Le stage m’avait vraiment donné des ailes mais ne me projetant pas à Paris, je vivais toujours à Reims. Plutôt fermée en termes de stylisme, j’ai pensé créer ma propre marque, Louise Religieux. J’avais peur du côté prétentieux avec une marque éponyme, merci le syndrome de l’imposteur ! Mais suite à plusieurs avis, il était clair que je devais garder cette identité, ma véritable identité.

J’ai d’abord travaillé sur des vêtements que je chinais, pour récupérer la matière première. Très vite, je me suis retrouvée limitée car chaque pièce était unique. Je souhaitais tout de même réaliser des micro-séries. J’ai donc étendu le sourcing auprès de filières qui récupèrent les rouleaux de fins de série, à Troyes. Repartie sur une base de tissus, je diffusais les pièces via des dépôts ventes, des boutiques etc. Puis est venu l’étape de la communication. Il y six ans, la mode upcyclée, le côté éco-responsable était peu mis en avant. L’idée de recyclage dans le prêt-à-porter avait encore une image un peu dévalorisante. De plus, je gérais toute la confection moi-même donc peu de temps pour m’y consacrer. Je travaillais chez moi, mais la couture, c’est vite le bazar !

Comment as-tu évolué ?

Par le biais d’une boutique partenaire, j’ai rencontré une joaillière, comme moi, créatrice de sa marque et fabriquant ses collections de manière artisanale. Nous avions un bon feeling, et l’idée de mutualiser nos forces en partageant un atelier est apparue. Nous avions même une partie showroom, c’était idéal. Avec notre réseau de créateurs rémois, nous pouvions également élargir notre univers et proposer d’autres pièces. Nous mettre ainsi en valeur les uns les autres. Le quartier était plutôt touristique mais très peu d’activités autour, pas de boutiques, de restaurants ou autres. Le seul point noir, mais en communiquant nous avons réussi à développer notre clientèle. Nous avions également des commandes. Je faisais donc beaucoup de sur-mesure mais cela m’ennuyait.

C’est très difficile avec le sur-mesure de faire comprendre la valeur du travail. Lorsque l’on réalise une pièce unique, il y a un temps de réflexion, un prototype à réaliser et la confection est souvent longue. J’avais beaucoup de mal à le faire ressentir aux gens, je tâtonnais et parfois même je me bradais sur les prix. Après deux ans et demi, j’étais fatiguée et par rapport à la mode, je commençais à manquer d’inspiration à Reims. Travailler seule me pesait et j’avais besoin de plus de rencontres.

Comment as-tu rebondi ?

Ma dernière collection sortie, je remporte un concours de jeunes créateurs “Made in mode” à Marseille qui me redonne confiance. J’ai tout de même besoin d’une pause, également financière. À l’époque, mon compagnon avait un projet sur Lille. C’était une opportunité et une plus grande ouverture sur la mode me concernant. Je mis alors ma marque entre parenthèses pour devenir responsable dans une boutique du Vieux-Lille. Adorant le contact avec le client, ce fut une bonne expérience où j’appris beaucoup. Remise dans l’actualité de la mode, je voyais les tendances, ce que les gens recherchent etc. J’ai travaillé là-bas pendant deux ans, tout en construisant mon réseau autour de la mode éco-responsable. Je suivais des conférences, participais à des évènements d’associations.

Petit à petit, je me suis dit que je pouvais me relancer, mais en travaillant pour les autres. Amener ma vision, mes compétences autour de l’upcycling, autour de la création d’une marque également. Ayant entrepris seule auparavant, je maîtrisais les différents aspects: création, confection, communication, commerce. J’avais même créé mon site internet ! Si mon métier originel est le stylisme et le modélisme et que je travaille autour du produit, tout reste lié. Il faut avoir une vision autour du digital car la présence sur les réseaux développe des communautés. Et le métier de styliste a toujours eu besoin de cerner la clientèle. Il n’est pas juste orienté sur le vêtement, mais sur une façon de vivre. Dans ce sens, je collabore avec d’autres marques en tant que styliste-modéliste.

Quelle est ta dernière collaboration ?

Lancée à mon compte, j’avais rencontré Yolande, la fondatrice de Revive Clothing Lab. Son concept est de revaloriser des produits finis comme des vêtements invendus. Elle collabore avec des enseignes dont Le Printemps, et en échangeant sur nos parcours, l’opportunité de travailler ensemble s’est présentée. Je développe ainsi le côté technique pour transformer un vêtement fini en autre vêtement. C’est un véritable challenge. Surtout qu’avec ce type d’enseigne, il ne s’agit pas d’un vêtement mais de créer une nouvelle collection à partir d’anciennes collections. Il y a donc un rythme de production à suivre, et il faut pouvoir “industrialiser” l’unique. Je gère le prototypage, les fiches techniques et l’élaboration des modèles pour ensuite faire appel à des ateliers.

Cela m’a amené à me rapprocher d’ateliers roubaisiens et de l’association Fashion Green Hub, qui œuvre pour une économie circulaire. Elle souhaite ramener l’industrie textile sur le territoire du Nord et dans toute la France. Des micro-ateliers commencent à éclore un peu partout et en lien avec Revive Clothing Lab mais aussi avec l’association, on me contacte pour revaloriser d’autres supports, comme des vêtements techniques par exemple. Ce sont des missions très intéressantes. Le réseau autour de la mode upcyclée m’ouvre de nombreuses portes ce qui est vraiment agréable. 

Quelle est ta pièce préférée ?

J’adore la chemise ! C’est un produit très basique mais avec de nombreuses finitions dont le col, le boutonnage, sur les manches également avec la petite patte. La chemise va plus loin qu’un simple T-shirt, c’est une pièce que l’on peut décliner de nombreuses manières. La chemise oversize masculine, je la détourne sans arrêt. À  l’école par exemple, nous sortions de la période slim des années 2000 et je me sentais peu à l’aise. J’avais encore dû mal à chiner dans les friperies mais dès que je trouvais une chemise d’homme un peu large, j’adorais. Je pouvais l’assortir avec des collants, une paire de baskets ou des bottines et mon style était plus affirmé. Chic et décontracté car la chemise par définition a de l’allure avec ses détails. Personnellement, je trouve celle-ci ou la blouse indémodable.

Est-ce que tu as le sentiment de t’être trompée ? De faire des erreurs ?

Énormément ! Il y a des jours où tu es fière, tu gères et certains où tu ne comprends pas pourquoi tu as travaillé de cette manière. Parfois je me pose la question de mon métier de styliste. Parce que l’univers de la création, ou la mode en général est un métier de frustration permanente. Tu es happée par des tas d’envies, mais tu as rarement assez de temps pour faire tout ce que tu as en tête. Il faut vraiment apprendre à se canaliser.

Quel est ton rapport à l’upcycling ?

L’upcycling s’est rapidement imposée à moi et en arrivant à Lille, cette tendance décollait. Nous étions nombreux à avoir cette vision, et cette même énergie. “Faire de la contrainte un processus créatif” était mon leitmotiv me permettant d’expliquer ma démarche. Cette influence, je la ressentais beaucoup avec les gens que je rencontrais et pour changer la mode, il faut s’entraider.

C’est d’ailleurs un peu frustrant lorsque tu te rends compte que les enseignes s’emparent de cela. Il y a dix ans on tirait la sonnette d’alarme mais ce n’est que maintenant, pour entrer dans la charte RSE, et parce que l’upcycling est tendance, que les marques se réveillent. Les petits ateliers qui faisaient la promotion de jeunes créateurs travaillent désormais avec les enseignes et il reste peu de place pour nous. Car le prix est toujours un frein. La revalorisation, l’éco-responsabilité sont des valeurs primordiales mais elles restent très chères. Les grandes enseignes qui peuvent faire de gros volumes auront toujours ce poids. Mais cela reste positif dans le sens où leurs démarches évoluent.

Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ? 

Artistiquement, je suis mélangée entre le côté cinéma des vieux films français, la poésie que l’on retrouve avec “Les demoiselles de Rochefort”. J’adore l’univers de la danse, très stimulant mais aussi le streetwear ou encore le rap des années 2000 car j’aime confronter les genres. Via les ateliers, je rencontre des personnes qui travaillent dans l’ombre et leur positivité m’impressionne beaucoup. Dans mon intimité je suis plutôt sensible et émotive, je panique rapidement. J’ai travaillé avec ces personnes dans l’urgence et qui, devant un problème immédiat, restaient sereins, souriants. Dans le travail, ces personnes m’inspirent beaucoup.

Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pros ? Des projets persos ?

Des projets professionnels d’abord car travailler avec les autres est vraiment essentiel. Cela me nourrit énormément. Puis des projets personnels, toujours dans un coin de la tête forcément car j’ai mon propre univers, je l’ai fait avant et cela me manque aussi. Je me sens un peu en transition. Que vais-je faire de Louise Religieux, qui était ma marque avec cette direction parallèle de collaborations ? Je repense à mon identité et pourquoi ne pas développer Louise Religieux Studio par exemple pour la partie conseil et développer la marque originelle pour le côté sur-mesure et artisanal du vêtement. M’orienter sur la cérémonie ou la robe de mariée car j’ai été sollicitée dans ce sens et je me suis éclatée. Probablement en continuant cette démarche d’upcycling.

Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?

Le matin, se regarder dans le miroir et se sourire à soi-même. Pour être positif et bien démarrer la journée ! Car les contraintes dans la vie sont faites pour te faire grandir tout simplement.

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