Passionnée depuis toujours par les loisirs créatifs, Camille s’intéresse au design d’espace et à l’animation culturelle. Mais peu convaincue et en quête d’elle-même, c’est finalement un voyage qui va lui faire prendre conscience que la peinture est son outil de médiation et d’animation pour amener l’art où l’on ne s’y attend pas.
Quel a été le déclic de création des “Ateliers de Camille” ?
Déjà petite, j’étais inscrite à l’école d’art car j’aimais l’univers créatif. Après un parcours dans ce domaine puis finalement l’obtention d’un DUT animation sociale et culturelle, je travaillais avec l’hôpital psychiatrique de Roubaix. Je proposais des animations, avec forcément un parti pris pour le côté créatif et artistique, à des adultes souffrant de troubles psychiques. Puis soudainement, grosse remise en question : je ne me voyais pas faire cela toute ma vie. J’ai alors décidé de tout arrêter et de partir en voyage. Pendant une année j’ai fait du woofing, un peu partout en Europe. Pourtant je ne me sentais pas très bien, je manquais beaucoup de confiance en moi. Lorsque l’on me demandait dans les fermes, mes compétences ou ce que j’aimais faire, je leur répondais la peinture. A cet instant, j’ai croisé des personnes formidables, qui m’ont simplement dit : ici il y a un mur, éclate toi et fais ce que tu veux ! Et c’est ainsi que j’ai peint mes premières fresques.
Lorsque je suis rentrée, la question de l’emploi stable en CDI (mais qui ne m’épanouit pas) ou la création d’une entreprise s’est imposée. Sachant que j’adorais faire des animations artistiques, que je n’avais plus peur de réaliser des fresques, les Ateliers de Camille ont vu le jour. Je griffonnais sans cesse sur un carnet et grâce à la confiance des personnes pour lesquelles j’avais peint, je me suis sentie prête. Leurs encouragements, leur reconnaissance m’ont encouragée et donné confiance dans ce projet.
Quelles sont les prestations que tu proposes ?

Aujourd’hui je réalise des fresques murales mais pas seulement, car pour vivre de cette passion artistique, il a fallu se diversifier. Je propose donc également des peintures sur vitrines, très demandées à Noël et au printemps pour égayer les commerces. Les ateliers de Camille en eux-mêmes sont disponibles chaque semaine, à l’atelier de Saint-Amand-les-Eaux ou je les dispense dans des écoles, centres sociaux… Mon expérience dans l’animation sociale et artistique me permet cette orientation. J’ai également des formules de projets clé en main, comme par exemple le projet “récup”, où je me rends dans des écoles et je crée des objets avec les enfants à base de matériaux récupérés.
Une préférence dans ce que tu proposes ?
Les ateliers de Camille sont probablement mon moment préféré car ils me permettent de rencontrer des gens, d’échanger, de partager et surtout de créer ensemble. Lorsque je dispense des ateliers, je n’ai même pas l’impression de travailler et c’est toujours autant de plaisir. J’apprécie beaucoup la peinture sur vitrines mais c’est très fatiguant car la demande est grande mais sur une courte période, les trois semaines avant Noël.
Pourquoi le choix de t’orienter également vers des structures sociales ?
Lorsque j’ai créé Les Ateliers de Camille, je souhaitais vraiment amener l’art où l’accès est difficile, inexistant ou n’intéresse pas. Montrer que l’art n’est pas seulement de la peinture abstraite, parfois incompréhensible mais également un moment de calme, de concentration pour un résultat très sympa. Une broderie, un dessin à l’aquarelle bien accompagné peut redonner confiance en soi et aider certains publics. Mon idée de départ : mêler le social et l’art. Puis j’ai étoffé mon offre pour répondre à une demande et en vivre.
Qu’est-ce que ce type d’accompagnement, d’animation t’apporte au quotidien ?
Je ressens beaucoup de reconnaissance. Par exemple, j’ai travaillé en partenariat avec l’unité alzheimer d’une maison de retraite sur un projet participatif de fenêtres en trompe-l’œil. Une fois sur place, le projet a évolué pour mieux correspondre au public avec quelque chose de plus simple et moins participatif. Mais cela m’a rendu très heureuse de voir les personnes âgées contentes, qui regardent, trouvent que c’est beau et encore plus celles qui avaient envie de prendre les pinceaux. Je ressens vraiment du sens dans ce que je fais, beaucoup plus fort que peindre un super-héros dans une chambre d’enfant. Apporter de la gaieté dans les couloirs de ce type de structure est également nécessaire pour les soignants et éloigne l’atmosphère hôpital.
Quel est le regard des autres par rapport à cette décision de créer ton entreprise ?
Cela a été difficile, venant d’une famille d’agriculteurs, on était pas dans l’optique que l’art est un travail. Mon papa a également créé son entreprise de vente de quads agricoles quelques années auparavant et me lancer moi par la suite, dans l’art et être une femme en plus, était surprenant. Mal dans ma peau à cette époque, probablement en burn-out, mon entourage avait dû mal à saisir mon besoin de sens dans ce que je faisais. Quitter un CDI, l’assurance du salaire pour débuter un projet à tâtons ne les rassurait pas trop. Pas mal de personnes n’ont pas cru en moi. Moi non plus pas complètement au départ mais au fur et à mesure et grâce aux bouches à oreilles, la confiance s’accroît.
Cette expérience m’a beaucoup épanouie. En comparaison à cette époque où je me levais en me disant que la journée allait être longue, aujourd’hui je suis super contente de me réveiller en pensant aux projets dans lesquels je vais m’investir. N’ayant jamais eu confiance en moi, je commence à la gagner véritablement aujourd’hui. Depuis quelques mois j’ai une salariée car les ateliers se développent. Bien sûr, tout n’est pas rose, parfois je remets tout en question. Cela demande beaucoup d’investissement et c’est souvent stressant mais c’est un choix.

Est-ce que tu as l’impression d’être encore en train d’apprendre, d’évoluer ?
Complètement ! Surtout depuis que je travaille avec une autre personne. Il s’agit de mon ancienne colocataire d’études, Juliette, bien meilleure que moi sur le plan artistique. Finalement, c’est vraiment l’animation qui me fait vibrer et la peinture qui est mon outil. Juliette évolue au fil de son imagination et j’apprends beaucoup avec elle lorsque nous travaillons en binôme. J’apprends également de mes erreurs, lors d’accompagnements où j’ai un peu trop dépassé ma “prestation” ou au contraire quand je n’ai eu qu’un accord oral et non signé…
Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ?
Enfant, je n’avais pas accès à l’ordinateur ou la télévision car nous devions aller jouer dehors. Le seul modèle que j’ai, c’est mon père. Il avait repris le métier de ses parents, et sans être dans l’univers du commerce, a commencé de zéro. Il possède aujourd’hui une entreprise qui fonctionne très bien. Si lui a pu le faire, moi aussi j’en suis capable, bien que j’ai eu d’autres difficultés en tant que femme, et jeune également. J’ai commencé à vingt-trois et on a du mal à nous prendre au sérieux à cet âge-là. Je pense donc que c’est lui mon plus grand modèle même si nous avons eu des parcours différents.
Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pro ? Des projets persos ?
Je réfléchis à un projet autour du maquillage pour participer à des festivals. Vu que mon idée est toujours la même, d’amener l’art là où l’on ne s’y attend pas, je pense à lier l’art et le maquillage lors de différentes fêtes, festivals organisés par les villes avec des thèmes qui n’ont rien à voir avec l’art de base.
Et plus personnellement, j’aimerais me former à l’art-thérapie pour proposer des consultations qui seraient une vraie continuité de mon parcours.
Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?
Mes émotions grimpent très vite mais descendent également aussi vite. Je dirais donc : regarde d’où tu es parti, les choses que tu as accompli, des nouvelles il t’en reste plein à faire. J’ai des enfants à mes ateliers et tous ont des problèmes de confiance en eux. Ils se comparent beaucoup à travers les réseaux sociaux, qui sont certes de très bon outils mais qui apportent une certaine dévalorisation. J’avais cette tendance et c’est donc un message qui me parlerait.