Deolinda Santos Nunes Lobo, fondatrice du Linatier

Deolinda fondatrice de Linnovante
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Passionnée de couture et de maroquinerie, Deolinda est déterminée à aller au bout de ses envies. Sans bac en poche, elle alterne emplois et reprise d’études tout en gardant en tête un objectif professionnel précis. Aujourd’hui, elle investit son savoir-faire dans un projet entrepreneurial engagé. Car Le Linatier c’est non seulement la conception d’un sac à main en lin écologique mais c’est aussi une entreprise de l’économie sociale et solidaire à impact environnemental.

Quel a été ton point de départ ? Ton déclic ?

J’ai toujours eu ce désir d’entreprendre mais avant de me lancer dans l’aventure de Le Linatier, je voulais faire quelque chose d’utile, avec du sens. Selon moi, le bon moyen d’y arriver était de reprendre mes études tout en travaillant à côté pour les financer.

Tout au long de mon parcours étudiant et professionnel, j’ai acquis diverses compétences et j’ai surtout pris le temps de faire mûrir cette envie d’entreprendre. Alors que j’étais passionnée de couture, j’ai découvert le milieu de la maroquinerie. Cela a été un vrai coup de cœur. Je me suis alors dit que la confection de sacs serait une évidence. Pendant mes études, j’ai découvert les matières animales, j’ai appris à les travailler et à les apprécier. J’ai surtout compris, à ce moment là, que le cuir était une matière noble mais très polluante et toxique pour ceux qui le concevaient. Après mon CAP Maroquinerie, j’ai travaillé dans un atelier d’une grande marque de luxe française. Cette expérience a été déterminante dans l’évolution de mon projet professionnel.

En parallèle, mon rapport à l’écologie a changé. Au fur et à mesure, je me suis tournée vers des produits biologiques, plus naturels et avec un faible impact écologique. Autour de moi, je me rendais aussi compte de l’évolution dans les modes de consommation. Les personnes sont à la recherche de davantage de bio ou d’éthique, que ce soit dans la façon de produire, de consommer ou même dans les matières premières utilisées. Je trouvais que dans le domaine de la maroquinerie, peu d’entreprises étaient enclines à respecter complètement cette démarche. Tout en assurant une parfaite transparence sur la provenance des matériaux ou la localisation des lieux de production. C’est à cet instant que je me suis dit qu’il fallait que je crée un sac avec une matière écologique.

Sur cette réflexion, le COVID est arrivé et j’ai fait un burn-out. Un mal pour un bien puisque c’était finalement le coup de pied dont j’avais besoin pour me lancer.

Qu’est-ce qui te plaît dans la maroquinerie ? 

Ce qui me passionne, c’est le chemin entre l’idée et le rendu final. Il y a le croquis, l’ajout de matière, puis les étapes de confection. Ces phases sont toutes plus trépidantes les unes que les autres. Tracer des lignes sur le papier, comparer les dimensions sur des produits existants et réussir à monter un accessoire avec un tissu à plat pour réaliser un produit utile, beau et durable. C’est ça qui me donne envie de me lever tous les matins. Il y a tellement de possibilités dans la confection !

Pourquoi le lin ? Pourquoi le linatier ?

Je suis tombée sur le lin au cours de mes recherches sur les matières adaptées à la maroquinerie. Il s’avère que le lin est utilisé depuis des années dans le linge de maison et dans les vêtements mais très peu dans la maroquinerie. L’avantage avec celui-ci, c’est qu’il pousse naturellement avec peu d’eau et qu’il ne génère pas de déchets. D’ailleurs, il a tellement de vertus qu’on le retrouve également dans l’alimentation et la cosmétique.

Par contre, ce parti pris m’amène à innover encore plus. En effet, je souhaite garder la tenue rigide d’un sac à main, or le lin est une matière souple. J’ai donc dû trouver une solution naturelle pour le rigidifier. À terme, je désire concevoir un sac à main non seulement écologique en lin français certifié G.O.T.S mais aussi pratique, avec du style et adaptable à toutes les situations et les saisons. 

Comment peut-on allier écologie et mode ?

En prenant conscience que l’acte d’achat est souvent non réfléchi et qu’il est plutôt influencé par nos émotions, notre envie du moment. Il faut avant tout penser à une consommation plus durable, raisonnée et qui répond à nos réels besoins.

Il faut aussi arrêter de se focaliser sur la saisonnalité. Évidemment, les doudounes sont adaptées pour l’hiver mais il n’y a pas de sacs dédiés au printemps ou de bijoux d’été. Le sac est un accessoire que l’on peux porter quand on le souhaite, peu importe sa couleur ou sa matière. La tendance de la saisonnalité est problématique car elle pousse les personnes à consommer un maximum de produits à bas prix afin de créer un turnover dans les armoires. Or malheureusement, ces derniers sont fabriqués en Chine ou au Bangladesh dans des conditions de travail déplorables. À aucun moment le consommateur, dans son processus d’achat, n’est au courant de tout cela.

Ensuite, selon moi, durable signifie aussi prendre soin de son être, des autres et de la planète. C’est un cercle vertueux car plus nous prenons soin de nous, plus nous prenons soin de notre environnement et plus l’écosystème créé est préservé durablement. D’ailleurs, il n’y a pas de mode durable sans économie solidaire. Dans mon cas, cela se traduit d’abord par une relation fondée sur la proximité et la confiance avec les producteurs de lin. Puis, par un environnement de travail sain pour les personnes travaillant sur le sac. Sans oublier un conditionnement et un mode de livraison le plus écologique possible. De plus, aujourd’hui, je vise uniquement l’Ile de France, la Normandie et la Bretagne pour les partenaires et les fournisseurs. Je souhaite redynamiser l’emploi dans ce secteur géographique et professionnel.

Comment te sens-tu maintenant ?

Pour l’instant je suis euphorique. J’ai l’impression de vivre dans un conte de fées car depuis février 2021, je suis lauréate de la bourse de l’entrepreneuriat engagé du département du Val-d’Oise. C’est à la fois une première pierre à l’édifice et un encouragement supplémentaire. Notamment parce que mon département me suit dans ce projet.

Quelque part, je me sens aussi un peu illégitime. Je parle d’écologie depuis pas très longtemps et je découvre seulement la matière du lin. Et en même temps, je suis une battante. Je suis prête à réfléchir, à apprendre et à foncer. De plus, je me donne les moyens d’y arriver. Soit je me forme via des livres ou des tutoriels sur Youtube, soit je n’hésite pas à demander de l’aide auprès de personnes compétentes.

QUEL EST LE REGARD DES AUTRES PAR RAPPORT À TON PROJET ?

Tout mon entourage est très enthousiaste. Les personnes sont impatientes de voir mon projet prendre vie. Ma famille m’a toujours vu coudre ou créer des produits de maroquinerie. Pendant six ans, j’ai aussi vendu des trousses en similicuir en ligne et sur des marchés artisanaux en tant qu’auto-entrepreneuse. Donc pour eux, la suite logique, c’est Le Linatier.

Quel serait ton rêve avec ce projet? 

D’être la référence dans la maroquinerie écologique. De réaliser des sacs au savoir-faire reconnu dans le monde entier avec une matière végétale écologique ayant la plus haute certification biologique.

De plus, en implantant mon atelier dans le Val-d’Oise, j’aimerais aussi engager des personnes sans diplôme ou qui ont de grandes difficultés d’insertion professionnelle. Ma vision est claire à ce sujet, je veux que ces personnes soient fières d’avoir conçu un sac en partant de zéro

Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ? 

La personne qui m’inspire le plus dans ce domaine, c’est ma tante. Elle est couturière et je me suis rendue compte que c’est elle qui m’a transmis la passion de la couture. Ce qui a renforcé notre lien, c’est aussi notre prénom en commun. 

Ensuite, il y a mon père qui est artiste peintre. J’admire sa façon de s’exprimer à travers son art. De plus, le fait qu’il puisse être en gestation d’un projet créatif pendant des mois me pousse à être patiente dans ce que je conçois.

Et bien sûr, ma mère, qui est un pilier dans ma vie de femme et qui a travaillé toute sa vie pour élever ses trois filles. Une femme déterminée qui ne recule jamais devant la difficulté. Elle se questionne dans le bon sens du terme pour trouver une solution. À ce titre, je lui ressemble. Elle a toujours le sourire et une vraie joie de vivre.  

Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pros ? Des projets persos ?

Côté professionnel, j’investis actuellement dans une machine industrielle spécialisée pour la maroquinerie afin d’avancer dans mon projet. De plus, je suis en contact avec un fournisseur de matières végétales françaises et biologiques. J’aimerais aussi me rapprocher de certains producteurs de lin pour connaître leurs conditions de travail et être au coeur de leur métier passionnant.

J’ai un besoin, encore plus avec les conditions sanitaires du moment, d’être plus proche de la nature, de ma famille, de moi même. J’anticipe déjà mes vacances au Cap Vert, au Maroc et en Espagne avec mes proches pour m’évader et avoir plus conscience du monde qui m’entoure. 

Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?

Prenez soin de la planète et de vous ! ” Il faut prendre conscience de ce que la nature nous offre. Que ce soit de l’eau potable ou tout simplement de l’oxygène. Il ne faut pas oublier qu’elle suffit à notre vie. Et tout ce que nous y ajoutons en plus, doit la respecter et non lui nuire. Notre survie dépendra de notre façon actuelle de vivre. Changeons, tant qu’il est encore temps, notre consommation, pour nous et la génération future.

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