Delphine Nonnon, fondatrice du site Les effronté.e.s

Delphine fondatrice les effronté.e.s
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Ingénieure en bio-industrie spécialisée en neuropharmacologie, Delphine fait de la recherche médicale pour tester des médicaments. Arrivée au CHR de Lille pour préparer une thèse, elle déchante rapidement et quitte ce milieu. Elle se reconvertit alors dans l’informatique et travaille pendant 5 ans dans la banque. Jusqu’au jour où dans une période de ras le bol, elle dit pour rire qu’elle va vendre des sextoys. Une blague qui devient réalité puisqu’en 2022, elle crée Les Effronté.e.s, un e-shop de sextoys inclusifs. 

Quel a été ton point de départ ? Ton déclic ?

Au cours de ma première reconversion dans l’informatique, tout se passait bien dans la banque où je travaillais. Jusqu’à ce qu’on me change de projet et d’équipe. Je faisais des horaires pas possibles alors que je n’avais aucune passion pour mon métier. Mes proches n’arrêtaient pas de me dire de faire une pause, de me mettre en arrêt. Un jour j’ai lancé ” allez je plaque tout, je vais monter ma boîte comme ça je pourrais faire la grasse matinée jusque 10h…” (rires). Quand mes ami.e.s m’ont demandé ce que j’allais faire, j’ai répondu sur le ton de la blague : ” je vais vendre des sextoys ! “.  

Rapidement j’y ai réfléchi et je me suis dit que ce n’était pas une mauvaise idée car j’ai toujours été à l’aise avec ma sexualité et le fait d’en parler. Quand j’entendais mes copines dire que, parce qu’elles étaient en couple, elles n’avaient pas besoin de sextoy, j’ai vite compris qu’il y avait un créneau à prendre. Notamment parce qu’il ne semblait pas avoir de discussions possibles, que c’était tabou. 

En 2021, j’ai fait une formation à la CCI puis dans un cabinet d’avocat avec cette idée en tête. En 2022, j’ai quitté mon emploi et j’ai fondé Les Effronté.e.s, une boutique de sextoys inclusifs au service du bien-être.   

Pourquoi ce désir d’inclusivité dans les sextoys ?

Je ne voulais pas être perdue parmi tous les sites existants et en creusant un peu, je me suis rendue compte que le monde des jouets sexuels et de la sexualité étaient très genrés, très hétéronormés. Globalement sur les sites ou dans les magasins, on retrouve 3 catégories : femme, homme et couple. Sauf qu’un vibromasseur peut s’utiliser de plusieurs façons et sur ou avec n’importe qui. Finalement un sextoy s’utilise sur un organe et pas sur un genre ou dans une situation amoureuse ! 

Ce qui est dommage, par exemple, c’est qu’encore aujourd’hui la description des sextoys anaux est accordée au féminin. Comme s’il n’y avait que les femmes qui pouvaient se faire pénétrer et que les hommes qui pouvaient pénétrer. Alors que c’est faux…On commence à parler de sexualité libérée alors que nous sommes encore “conditionné.e.s” par ce qu’on lit sur ces sites.

Avec Les Effronté.e.s, je veux proposer une autre vision de la sexualité que cis-hétéro et phallocentrée.  

Pourquoi les Effronté.e.s ?

Et bien par hasard (rires) ! Je réfléchis beaucoup la nuit, d’ailleurs j’ai toujours un carnet près de mon lit pour noter mes idées nocturnes. Et un soir je me suis réveillée avec un nom en tête. Je l’ai noté et le lendemain j’ai regardé sur l’INPI s’il était déjà déclaré… Malheureusement, c’était le cas alors j’ai cherché un synonyme et j’ai trouvé Les Effronté.e.s.    

Comment cette inclusivité se traduit à travers ta boutique ?

Sur le shop, il n’y a pas de catégories homme, femme, couple mais des catégories en fonction de l’utilisation du sextoy. CAD que les jouets sont rangés selon qu’ils soient clitoridiens, péniens, vaginaux ou anaux. 

Pour l’instant sur les photos on ne voit que des mains, les miennes (rires), tenir les sextoys. Notamment parce que cela permet de se rendre compte de sa taille. Mais à terme, j’aimerais avoir des photos mettant en scène différents corps et identités de genres. Voire même des personnes âgées car elles ont aussi une vie sexuelle ! 

Je prends aussi très à coeur d’écrire chaque description produit en écriture inclusive.

Quelles sont les autres valeurs que tu aimerais transmettre ? 

La bienveillance ! Je trouve qu’on a trop tendance à juger les gens sur la manière dont ils sont et/ou agissent. Même quand tu n’as pas de sexualité, tu y es confronté.e. Surtout au regard des autres sur ta non-sexualité.

J’ai envie de dire ” lâchez-nous (et lâchez-vous) la grappe ! “.  

Quels conseils pour choisir son 1er jouet ?

Delphine les effronté.e.s

Premièrement savoir si tu l’achètes pour toi ou pour quelqu’un d’autre. Deuxièmement, réfléchir à la partie du corps que tu as envie de stimuler. Si tu n’as pas trop d’idées, autant partir sur quelque chose de ” classique ” comme un vibromasseur qui s’utilise facilement. Ensuite si tu as envie de pénétration, il faut savoir quel type de pénétration. Il faut aussi faire attention aux vibrations car certains jouets vibrent fort et cela peut être désagréable pour toi. 

Une fois que tu t’es posé.e toutes ces questions, le choix est déjà bien plus simple. Sinon sur la page d’accueil de mon site, il y a un petit quizz pour t’aider à trouver la perle rare. 

Qu’est-ce que ce travail t’apporte au quotidien ? Comment tu te sens ?

Alors je n’ai jamais été autant en galère financièrement, fatiguée mais heureuse de ce que je fais (rires) ! 

Au moment de me lancer je m’étais dit que je me donnais deux ans pour me dégager un petit revenu et que si cela ne marchait pas, je reviendrais dans le salariat. Et en vrai aujourd’hui, je n’en ai pas du tout envie. L’entrepreneuriat est plus dur que ce que je pensais mais c’est tellement épanouissant. 

Petit à petit, des personnes s’abonnent à mes réseaux sociaux, me posent des questions, visitent le site et cela m’apaise beaucoup. Alors qu’au tout début, je me réveillais à 5h du matin (rires) ! 

Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ? 

Professionnellement parlant il y a beaucoup de comptes instagram sexo qui m’inspirent comme Mashasexplique, Wicul, Orgasme_et_Moi ou encore Mister.Ose. 

Ma meilleure amie aussi grâce à qui je me suis lancée. Ses deux parents sont dans l’entreprenariat et elle a cette culture entrepreneuriale que moi je n’ai pas. Elle m’a toujours dit ” mais tu as quoi à perdre ? “. Et c’est vrai qu’à part de l’argent, il n’y a pas grand-chose à perdre. Tu gagnes aussi beaucoup de choses même quand cela ne fonctionne pas.  

Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pro ? Des projets persos ?

Alors perso pas grand chose car je n’ai pas le temps ! Mais côté pro, pas mal de collaborations et de projets en vue. En septembre je vais co-animer des cercles de femmes autour de la sexualité féminine.  

Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?

Simplement :  ” ça va bien se passer “.

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