Maryline Mugnier, créatrice de turbans

maryline mugnier créatrice de turbans
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Passionnée par la couture et les travaux manuels, Maryline Mugnier se tourne plutôt vers des études médicales sous les conseils de ses parents. Quelques années plus tard, alors qu’elle est dans l’industrie pharmaceutique, une nouvelle porte s’ouvre. Elle découvre le métier de perruquière. Elle se forme, crée sa première entreprise, la revend…Aujourd’hui avec sa marque MM Paris, elle se consacre à la création de turbans pour toutes les femmes qui perdent leurs cheveux.

Quel a été ton point de départ ? Ton déclic ?

Il s’agit plutôt d’un long cheminement. Le poste que j’occupais dans l’industrie pharmaceutique m’obligeait à me déplacer très souvent, notamment à l’étranger. Or j’avais  envie de passer plus de temps avec mes enfants. Au détour d’une conversation, j’ai eu l’envie et l’opportunité de travailler avec la première perruquière de France, qui s’occupaient des femmes en chimiothérapie. Cette dernière voulait que je m’occupe non seulement de la boutique mais aussi de l’accompagnement psychologique des femmes au moment de la chute de cheveux. C’était une chance pour moi qui avait fait des études de psychologie mais qui rêvait aussi de créer quelque chose de mes mains.

En quatre ans et demi je n’ai pas été déçue ! J’ai appris le métier de A à Z et les perruques n’avaient plus aucun secret pour moi. Puis j’ai eu envie de plus de liberté et d’indépendance et j’ai créé mon entreprise ” La Galerie des Turbans “. Cela a été une expérience formidable où j’ai énormément appris. Durant cette période, j’ai beaucoup travaillé avec les services pédiatriques des hôpitaux parisiens. Et notamment sur l’estime de soi à l’adolescence lorsque l’on souffre de cancer et/ou que l’on perd ses cheveux. Passionnant mais psychologiquement difficile à la longue. Surtout avec les horaires compliquées du commerce. Au bout de sept ans, j’ai décidé de revendre l’entreprise… pour me consacrer à ce qui me plaisait le plus.

Mon mari, qui m’entendait souvent râler sur l’inélégance des turbans, a décidé de m’offrir une SARL à Noël pour que je puisse me consacrer à leur design. C’est comme ça qu’est née MM Paris, une marque de turbans pour les femmes qui perdent leurs cheveux.

Pourquoi des turbans ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que le turban ne va pas sans la perruque. On ne peut pas dormir avec et elle reste plutôt inconfortable. Il ne faut pas être proche d’une source de chaleur ni trop s’appuyer pour ne pas abîmer la fibre par exemple. Porter une perruque chez soi, c’est un peu comme garder ses talons hauts lorsqu’on rentre après une longue journée de travail.  Sauf que les femmes n’ont pas forcément envie d’être tête nue dans l’intimité. Ainsi le turban est un peu la pantoufle de la tête. Il est d’un confort absolu. Et c’est ce que recherchent les femmes, surtout pendant et après cette période de confinement. Si la perruque facilite le social, le turban est synonyme de bien-être.  

Mon envie était vraiment de rendre le turban beau. Que l’on s’éloigne de l’image de sortie de douche ou de la connotation religieuse. Il s’agissait de casser le mythe du turban en quelque sorte.  

Quelle est la philosophie de MM Paris ?

Chez MM Paris, nous souhaitons que les femmes ” n’en fassent qu’à leur tête ” ! Qu’elles soient des femmes “de tête“, bien dans leur peau. Qu’elles puissent continuer à exercer leur métier en se sentant bien dans n’importe quelle circonstance.

Par exemple, le 10 mai dernier, nous avons organisé un défilé caritatif à Annecy avec des chapeaux inspirés de leurs métiers. Mais aussi de tout ce qu’elles ont dans la tête. Du chapeau de la musique à celui de la pharmacienne en passant par le couvre-chef de la nourrice…Nous en avons imaginé vingt-deux, qui ont été vendus aux enchères pour le comité féminin du dépistage du cancer du sein des Savoie.

La philosophie de MM Paris est d’habiller la tête des femmes. De toutes celles qui perdent leurs cheveux. Que cela soit à cause de la chimiothérapie, d’une maladie auto-immune ou d’un choc émotionnel. D’ailleurs plusieurs femmes qui souffrent d’alopécie utilisent le turban pour faire du sport ou aller courir car la fibre de bambou absorbe la transpiration contrairement à la perruque.  

Que représentent les Turbans d’Alice pour MM Paris ?

Pendant le confinement, j’ai ouvert Les Turbans d’Alice, un site qui représente la marque MM Paris. Car même si les instituts et magasins étaient fermés, les femmes avaient besoin de recevoir leurs turbans. Les Turbans d’Alice est une façon d’accéder à toutes les femmes quasiment en direct.

J’ai choisi ce nom car il fait référence à un prénom de femme, qui se trouve être celui d’une grand-mère plutôt bonne vivante, bien dans sa peau. Et c’est aussi le second prénom de ma fille.

D’ailleurs tous les turbans chez MM Paris portent un prénom inspiré d’une personne qui a compté dans ma vie ou celle de l’entreprise.

Avais-tu déjà fait de la confection textile avant ?

Ma grand-mère était une excellente couturière. D’ailleurs dans la famille c’est quelque chose qui se perpétue depuis longtemps puisque j’ai commencé à coudre avec elle et ma mère. Et aujourd’hui ma fille coud à son tour. Nous avons toutes notre machine à coudre. Travailler la matière, assembler les tissus, pour moi (comme pour elles) est un grand bonheur.

Comment se passe le processus de création ?

Au niveau des matières, je travaille beaucoup avec la fibre de bambou. Car elle s’adapte parfaitement à la température du corps et donc aux peaux nues. Sans oublier qu’elle est anti-uv et hypoallergénique. J’utilise également beaucoup de coton. Finalement des tissus légers, peu encombrants. Chaque année, je prends le temps de faire les marchés textiles pour sélectionner la matière, la toucher…

Côté design, je m’occupe de tous les dessins et les prototypes. Je m’inspire beaucoup de la haute couture ou des grands magasins. Que cela soit au niveau des couleurs, des matières ou des motifs. Même s’il n’existe pas mille façons de nouer le turban, on peut créer des choses originales, dans l’air du temps. Si la fibre de bambou reste la base de la confection, je peux l’associer avec des tissus plus attirants, chaleureux. Les trois quarts de la collection est plutôt “classique” avec du bleu marine, du bordeaux ou du taupe. Ainsi les femmes peuvent assortir leur turban à leur tenue. Et le reste de la collection sort plus de l’ordinaire. De cette manière, elles peuvent avoir le turban de nuit mais aussi celui des grandes occasions telles que les baptêmes ou les mariages.

Côté confection, une partie de la production est assemblée en France et une autre dans un atelier en Chine avec lequel on travaille depuis maintenant dix ans. Parce que bien sûr, même si le turban commence à être bien remboursé par la sécurité sociale, son prix doit rester raisonnable.

Comment te sens-tu aujourd’hui ?

Je me suis dit qu’en revendant ” La Galerie des Turbans “, j’aurais plus de temps pour moi…Raté ! Au contraire, j’ai un fort développement qui me demande beaucoup de temps. Je suis à la fois créatrice, magasinière, grossiste, comptable etc. Le matin j’arrive à 8h et le soir je repars à 19h30. Heureusement j’aime ce que je fais. Parfois c’est difficile, notamment quand je travaille également le samedi et le dimanche. Mais souvent je suis très contente. J’ai eu la chance de pouvoir réaliser des rêves dans ma vie professionnelle.  

Cependant j’aimerais avoir la possibilité d’avoir plus de personnes dans mon équipe pour s’occuper notamment de la manutention. Pouvoir me consacrer entièrement à la conception des turbans, à la recherche des tissus…Parce que cette année, par exemple, je suis en retard sur la préparation de la collection d’hiver.

Qu’as-tu ressenti lorsque tu as reçu le prix des entrepreneuses par Force Femmes en 2019 ?

Alors j’étais vraiment contente d’avoir la possibilité de réaliser un vieux rêve : organiser un défilé de haute couture avec des turbans. Pour moi c’était très important de montrer qu’une femme peut être belle même si elle est malade. De voir les femmes partager ce moment particulier. L’association de la beauté et de la santé. 

J’ai toujours fait des shooting avec des femmes sans cheveux. Ce sont mes clientes que l’on voit dans les catalogues. Elles montrent que l’on peut être magnifique avec une perruque ou un turban.       

Ce qui est primordial car la chute des cheveux est particulièrement marquante pour ces femmes. Elle est un signe visible de la maladie, notamment socialement. Il ne faut pas négliger cette étape car, même si les cheveux repoussent, elle porte un coup à l’estime de soi. 

Quel était le regard des autres par rapport à ton projet ?

Ma famille me soutient énormément au quotidien. Ma fille est mon modèle photo depuis des années. Elle pose pour les couvertures à chaque collection. Mon fils prend souvent des jours de congés pour me donner un coup de main pendant les périodes compliquées. Même ma mère reconditionne ! Mon père fait les cartons, mon mari les commandes le dimanche, J’ai un vrai soutien familial !

D’ailleurs je pense qu’une réussite, c’est aussi cela.    

Est ce que tu as des modèles ? Des sources d’inspiration ?

Fouiller dans les boutiques est une vraie source d’inspiration. J’aime regarder, toucher les tissus. Me promener et regarder les vêtements exposés en vitrine ou en rayon.

J’aime aussi beaucoup la manière dont les femmes africaines nouent leurs foulards et turbans.  

Sinon la plupart des idées viennent de mon imagination. Un peu comme si elles sortaient de mon chapeau.

Et la suite c’est quoi ? Est-ce que tu as des projets pro ? Des projets persos ?

La collection d’hiver bien sûr ! J’ai aussi décidé d’engager un photographe pour la réalisation du catalogue. Alors que d’habitude, c’est moi qui m’en occupe. Le challenge va être à la fois de retranscrire mes idées mais également de lâcher-prise.

J’aimerais aussi prendre du temps pour réinventer le bonnet d’hiver. Faire quelque chose de beau et de différent.

Si tu jetais une bouteille à la mer, quel message te laisserais-tu pour ton toi futur ou pour les prochaines générations ?

J’ai envie de dire qu’il faut vivre ses rêves quoi qu’il en coûte. Ne pas avoir peur de réaliser ses projets. Avoir confiance en soi et oser prendre des risques. Le plaisir est une source de bonne santé, alors fonce, fais ce qu’il te plaît !

Photo © Didier Devos

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