Promotion canapé ou marche de la honte, le slut-shaming peut se résumer en quelques expressions. Malheureusement bien ancrée dans notre société, cette stigmatisation participe au mal-être de nombreuses personnes et dessert l’égalité entre les sexes. D’autant plus quand les femmes y participent elles-mêmes…
Le slut-shaming, c’est quoi ?
L’expression anglaise ” slut-shaming ” se traduit littéralement par stigmatisation des salopes. En effet, celle-ci concerne l’ensemble des propos ou des comportements qui stigmatisent, culpabilisent ou disqualifient une femme en raison d’une attitude ou d’un aspect physique jugé comme provocant ou ouvertement sexuel. Pour comprendre ce phénomène, il suffit d’observer et d’analyser les scènes de la vie quotidienne. Par exemple, un décolleté sur une forte poitrine sera considéré comme plus vulgaire que celui porté par une femme avec de petits seins. On associe mini-jupe à séduction et col roulé à puritanisme. De plus, les femmes à la vie sexuelle active et aux multiples partenaires sont surnommées ” filles faciles ” ou nymphomanes.
Fait inquiétant, cette stigmatisation est profondément ancrée dans nos mentalités et commence dès l’adolescence. Ainsi, les ricanements poursuivent les jeunes filles à la réputation dite douteuse dans la cour du lycée. Et la marche de la honte, quand une femme rentre chez elle après un coup d’un soir, est source de comique dans les comédies romantiques. En revanche, le slut-shaming ne semble concerner que les femmes puisqu’on ne juge pas la vie sexuelle d’un homme à sa tenue. Sans compter que les hommes qui enchaînent les histoires sans lendemain sont plutôt vus comme des ” champions “.
Du rire gras à la violence
Comme pour toutes les discriminations, le slut-shaming blesse et exclue la personne concernée. Non seulement, elle est insultée mais elle est également déconsidérée par son entourage et ses pairs. Lors d’un repas de famille, par exemple, une blague au sujet des filles qui ont ” le feu aux fesses ” peut créer un mal-être chez une adolescente en pleine découverte de sa sexualité. De plus, les rumeurs sur les filles qui “ont couché ” au lycée peuvent provoquer du harcèlement voire même des suicides.
Cette exclusion concerne également le monde du travail puisque lorsqu’on juge une personne sur son physique, on ne prend pas en compte ses compétences. Une femme habillée “sexy ” ou avec des formes pulpeuses ne sera pas prise au sérieux. Ou alors on lui prêtera un comportement de séductrice et non pas de personne travailleuse. D’ailleurs, de récentes études ont prouvé que les belles femmes sont moins souvent embauchées car les recruteurs les jugent moins sincères et/ou moins capables.
Le slut-shaming est dangereux car il ouvre la porte à la culture du viol. C’est-à-dire à une mentalité qui normalise et justifie les violences sexuelles. En effet, en associant des termes péjoratifs à la sexualité féminine, on insinue que les femmes bien ne sont pas sexuellement actives. De cette manière, la société différencie la vierge et la mère de la putain. Elle rend ainsi responsable les femmes de la façon dont elles sont perçues et traitées. Le slut-shaming part du principe selon lequel le corps féminin est forcément sexuel. Résultat : les top courts sont interdits à l’école car ils pourraient déconcentrer les garçons et les professeurs. Oui, on parle bien de jeunes filles à peine sorties de l’enfance. Pire, les femmes victimes de viols sont en partie responsables si elles portaient une tenue aguicheuse…
Auto-censure
Malheureusement, le slut-shaming fait tellement partie de notre quotidien que même des femmes y participent. Elles rient aux blagues graveleuses, elles regardent d’un mauvais œil les vêtements trop courts et le maquillage chargé. Sans en être réellement conscientes puisqu’elles s’auto-censurent elles-mêmes la plupart du temps. Pour être prises au sérieux ou ne pas être trop provocantes, les femmes ne portent pas de mini-jupe avec un décolleté par exemple.
Cette contribution est d’autant plus flagrante dans les relations sociales. Ainsi, les femmes mettent de côté les ” filles faciles ” dans les soirées par peur qu’elles volent leur partenaire. Et au boulot, elles n’hésitent pas à parler de ” promotion canapé ” ou à mettre en avant le fait qu’elles n’ont pas besoin de coucher pour réussir.
Le problème ? Le patriarcat gagne sur tous les front puisque les femmes se font du mal entre-elles ! Parfaitement intégrés, le slut-shaming et le sexisme entretiennent une rivalité malsaine et une grande violence. Dès l’adolescence, les jeunes filles essayent de paraître moins vulgaire, moins provocante qu’une autre. Le but étant de devenir la femme que l’on respecte, que l’on admire et que l’on choisit. Pas celle avec qui on couche seulement. Par ailleurs, si une remarque sexiste venant d’un homme fait mal, elle fait l’effet d’une bombe quand elle vient d’une femme. Dans ces conditions, le chemin vers l’égalité des sexes est encore plus long…
Choisir la sororité
Rassurez-vous, il est encore temps de faire évoluer les mentalités. En commençant par déconstruire ces stéréotypes. Car oui, rappelons-le, notre corps ne définit pas notre valeur et nous ne sommes pas des objets sexuels mais bien des êtres-humains. Ceci dit, le travail de déconstruction est long et compliqué puisqu’il demande d’abord un certain recul face à nos comportements. Par exemple, avant de rire à une plaisanterie sur les ” filles chaudes “, prenez le temps de réfléchir à ce qu’elle sous-entend. Idem pour les polémiques sur les tenues des collégiennes. Dans certains cas, vous pouvez également analyser l’ensemble de la situation. D’accord, vous avez peur qu’une ” fille facile ” séduise votre partenaire mais ne faut-il pas être deux dans une histoire de sexe ? En outre, essayez de visualiser un homme à la place de la femme en question. Pensez-vous qu’il est habillé vulgairement ou qu’il a une attitude provocante ?
Suite à ce travail de déconstruction, il est temps de passer à l’action. Non seulement, il est possible de mettre fin à cette stigmatisation mais aussi de défendre les victimes. Entre femmes on partage souvent les mêmes expériences, les mêmes forces et faiblesses, alors pourquoi ne pas se soutenir mutuellement ? La solidarité féminine ou la sororité est une façon de faire front commun face aux inégalités et aux injustices. Ensemble, les femmes sont plus libres, puissantes et capables de faire bouger les choses.
Photo © Olia Danilevich